Défilés en mauvaise posture
Talons hauts, maquillage et mini-jupe n’appartiennent plus qu’aux seules jeunes femmes. Beaucoup de petites filles veulent grandir avant l’heure. Un rapport sur l’hypersexualisation, remis au ministère de la Cohésion Sociale et des Solidarités, menace de mettre fin aux concours de mini miss.
Mini Miss France, Mini Miss Réunion, et « seulement » deuxième dauphine de Mini Miss Nature Créole… A neuf ans, Frideline Mouniama collectionne les titres de concours de beauté comme des poupées. La scène, c’est son domaine depuis deux ans. « J’aime monter sur les podiums pour défiler », raconte-t-elle sous le regard admiratif de maman, Gladys Dalleau. Le salon de la case familiale est décoré des photos et posters de la Mini Miss...
Cette passion pour les défilés ne date pas d’hier. La petite Saint-Philippoise adore se mettre sur son trente et un. Le maquillage et les jolies tenues font partie de sa vie de Mini Miss mais aussi de fashion victim. « En soirée, maman me met un peu de brillant à lèvres et du fard à paupière. Et j’adore mettre mes jolies robes de princesse », explique-t-elle. Un maquillage qui reste très léger pour son âge selon sa mère. Le crayon et le mascara attendront encore quelques années. Statut oblige, une miss doit toujours être présentable pour son public. « Les gens la reconnaissent souvent, et ils veulent la prendre en photo », justifie la maman.
Une attitude que regrette Odette Poncet, présidente de l’association Femmes Solid’Air. « Certaines mères rêvent que leur petite fille soit la plus belle », soupire-t-elle. La féministe de Saint-André dénonce ce qu’elle nomme une hypersexualisation. Les concours de ce type la dérangent fortement. « Ces élections ne sont ni plus ni moins des moyens de jeter en pâture, des jeunes filles à des prédateurs. On propose aux jeunes filles de s’intéresser à leur corps, à leur taille et à la séduction au détriment du reste », critique la présidente. Mais Frideline Mouniama n’est pas du tout d’accord avec ce point de vue. « C’est ridicule. On ne fait pas de passage en maillot de bain », défend la fillette. « Ce n’est pas le concept, mais le nom qui dérange », renchérit Julie Nauche, responsable de l’élection mini miss à La Réunion. La jeune femme précise que ces élections permettent avant tout aux jeunes filles d’expérimenter leur talent. Chant, danse et bien d’autres.
Miss et intelligente
Selon Odette Poncet, cet intérêt pour la beauté commencerait de plus en plus tôt. Cela pousserait les fillettes à rester des « poupettes » et à négliger leur scolarité. Pourtant, Frideline n’en fait pas partie. Bonne élève, l’icône de la mode n’a aucun mal à concilier l’école et les séances de photos. « On les fait les mercredis ou pendant les vacances », prévient sa mère. En dehors de ces concours de beauté, la Mini Miss pose aussi pour la publicité d’un magasin de prêt-à-porter et est inscrite dans une agence de mannequin. Mais elle reste une petite fille ordinaire, la tête sur les épaules. Mature pour son âge, elle fait la part des choses et a déjà les idées bien arrêtées quant à son avenir. « Je voudrais être hôtesse de l’air ou vétérinaire parce que j’aime les voyages et les animaux », lance-t-elle sérieuse. Elle souhaite également faire de l’humanitaire « pour aider les gens ». Aujourd’hui, du haut de son mètre vingt-trois, Frideline Mouniama espère gagner encore une cinquantaine de centimètres pour réaliser son rêve de petite fille : se présenter à Miss Réunion. Julie Nauche, elle, prévoit de revoir le nom du casting des petites filles. Un casting qui privilégiera davantage les numéros de danse, de chant, ou de gymnastique, plutôt que le seul physique.
Précilla ETHEVE