Militante un jour, bénévole toujours
82 ans et toujours pleine d’énergie à revendre. Cette petite dame coquette mène, tambour battant depuis 30 ans, une lutte « acharnée » pour le respect des droits de la femme.
Celle dont la carrière fulgurante n’est plus à découvrir, est née aux Avirons et a commencé à travailler très jeune. L’engagée associative explique avoir quitté le giron scolaire de l’école à la période du lycée pour des raisons familiales et financières. Fille d’agriculteurs, l’Avironnaise connaît, au sein d’une fratrie de huit enfants, une existence centrée autour de l’élevage et des champs. Lorsqu’elle à 10 ans, intervient un évènement tragique : le décès de sa mère. Elle se retrouve en pension et doit vite se responsabiliser. Son premier emploi est à la Banque de la Réunion. La « ti’ pat jaune de la campagne », comme la surnommaient ses collègues gravit les échelons en passant plusieurs examens, « être agent administratif était la porte de sortie ».
Elle arrive ensuite aux Eaux et Forêts, devenues Office National des Forêts. Un établissement occupé par un grand nombre d’hommes : « Les quelques femmes étaient à l’administration et les hommes agents de terrain ». La téméraire reconnaît ne pas avoir souffert de discriminations à son travail « parce que je ne l’aurais pas permis ». Mais avoue avoir entendu des remarques telles que « comment une petite Réunionnaise pouvait être reçue ? », à son retour de cessions d’examens déroulés en métropole. Tant pis pour les misogynes. Elle fonce.
Thérèse Baillif se marie à 22 ans. Son époux fonctionnaire était un homme qui ne rechignait pas aux tâches ménagères. « C’est lui-même qui s’est dévoué », assure-t-elle, « j’essayais de participer en nettoyant la vaisselle, mais il ne le voulait pas et je ne pouvais l’aider autrement car je n’aime pas faire la cuisine ». Mère d’un fils enseignant et d’une fille responsable d’agence immobilière, cette « executive woman » conçoit que l’éducation de ses enfants « s’est sûrement très mal passée » mais n’a pas à regretter le résultat : « J’ai essayé de faire au mieux, je leur ai inculqué des valeurs : celles que mon père m’a transmises ». Ce père qui ne possédait qu’un certificat d’études, « il n’était pas très bon en orthographe », sourit-elle, mais il tenait à leur laisser comme héritage, un savoir, une connaissance.
En 1986, l’Association Femmes Actuelles de la Réunion (AFAR) est créée et deviendra plus tard l’AMAFAR. Le combat pour les droits de la femme débute dans une Réunion encore trop masculine « Il a fallu se battre pour ces femmes qui se résignaient, il n’y avait pas de raison ». Quelle a pu être la source de son engagement ? Elle n’a jamais été témoin de violences, dans son entourage proche. « Comme dans toute famille j’ai déjà entendu des échanges forts », confie-t-elle. Et d’ajouter : « Mon mari à peut-être éprouvé de l’agacement à mon égard, mais il ne se serait jamais permis de lever la main sur moi ».
Il existe alors deux associations féminines, l’Union des Femmes Réunionnaises (UFR) dont la Présidente est Huguette Bello où elle aura quelque temps officié. Elle aura vite abandonné car l’organisation était « trop sous la férule du parti communiste réunionnais (PCR) ».
Les appuis de cette battante aux femmes de pouvoir ne sont pas liés à la politique. Son soutien à Nassimah Dindar pour les législatives de 2012 s’exprime par le respect qu’elle éprouve envers « une femme courageuse et ambitieuse, femme musulmane appartenant à une famille traditionnelle qui se trouve à la tête d’une collectivité départementale ». Et aussi pour leur collaboration passée au sein de l’AFAR dont Nassimah Dindar est la Présidente.
Fervente catholique
En 2007, cette touche-à-tout décide de prendre sa retraite et de s’occuper de ses petits-enfants et de son jardin « resté trop longtemps en friche ». Au bout de six mois, l’appel de la bataille redevient persistant, son choix est arrêté. Elle fonde le CEVIF où elle ne sera que bénévole. Le Collectif est établi dans « un contexte de plan sociétal car certaines familles se sont senties abandonnées. C’est un combat mené sur la durée ». Même si elle déplore l’augmentation des violences à la Réunion. D’ailleurs, Super Mamie tient à préciser qu’elle n’est pas « le bon Dieu ni une fée avec une baguette magique, ce sont aux jeunes de se renseigner et de prendre la relève ». Elle affirme présenter sa démission tous les ans, mais regrette que personne ne sollicite le poste. Il ne lui reste plus qu’à espérer que la relève se manifeste : « Je suis catholique, je vais prier pour cela ».
Ces valeurs chrétiennes, lui ont donné cette envie de se dresser contre certains a priori. Pourtant, cette foi s’accompagne parfois d’opinions arrêtées sur des sujets sensibles. Sur la loi de l’IVG par exemple, elle martèle qu’elle n’est pas « pour l’Iavortement a tout va. Tout le monde doit comprendre que la finalité de l’acte sexuel n’est pas seulement pour le plaisir ». Concernant un autre fait d’actualité, comme la participation du chanteur Orelsan au Festival Sakifo, elle avance ne pas souhaiter que ses impôts servent à sa venue. Un caractère vif…
D’une manière générale, Thérèse Baillif dénonce un autre vrai problème bien plus réel : la perte des valeurs dans une société qui prône l’indépendance. Pour sa part, elle compte rester fidèle au poste « dans la mesure du possible, et jusqu’à la fin de mes jours ».
Naïma FERRETO
(Photo Coralie Georget)