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20 novembre 2011 7 20 /11 /novembre /2011 17:51

 

De la prison aux Orangers

 

Tous les mois, la fondation Auteuil Océan Indien organise une sortie à Mafate pour des détenus. Vendredi 28 octobre, c’était au tour de Paul.

 

fondationauteuil« Mi gaign enfin respirer ». Paul*, 27 ans, de Saint-Philippe, respire à plein poumon l'air de Mafate. Le jeune homme est incarcéré depuis maintenant onze mois à la prison de Domenjod pour conduite en état d'ivresse. Le détenu est membre de l'association Auteuil Océan Indien qui organise, une fois par mois, une sortie à l'Ilet aux Orangers, dans le cirque de Mafate. Paul est un « ancien ». Ce surnom lui et les huit jeunes qui l'accompagnent le doivent à leur ancien lycée professionnel Saint-François-Xavier, appelé autrefois La Ruche, dont la fondation Auteuil assure la gestion. Tous les élèves de l'établissement font partie de l'association créée il y a 36 ans.

Onze heures, la randonnée débute. Paul est heureux de retrouver des anciens camarades, libres eux : « Ban' na lé un peu comme des frères ». Deux heures de marche plus loin, le groupe fait escale à l'Ilet Flamand pour déjeuner. Roc Pausé, le plus ancien éducateur, comme un père pour ses fils, a préparé des sandwich. « Enfin un bon repas, se réjouit Paul, i change mangé la prison ! ».

Sur le sentier de la canalisation des Orangers, certains jeunes confient : « Grâce a l'association nou la gaign trouve un travail ». Jean-Claude, qui a été détenu pour faits de violence conjugale, raconte : « L'alcool la rend' a moin violent et l'association la sort' a moin de là ». A quinze heures, les randonneurs profitent d'un bassin pour faire trempette. Paul, pieds dans l'eau s'exclame : « La vie lé en forme ! ».

Seize heures, arrivé à l'Ilet aux Orangers, après une rude montée qui en a fatigué plus d'un : « La, mi lé touché » souffle Pau ; « mi gaign pu ! » se lamente Thierry, autre élève. Essoufflés, les « anciens » et les deux éducateurs sont chaudement accueillis par les habitants de l'Ilet qui les placent dans le gîte de la chapelle. Celle-ci a été construite par des jeunes de l'association quelques années auparavant. La population et les « anciens » s’y regroupent. Chaque mois, Roc Pausé célèbre une messe pour les habitants. « Mi na labitude prié en prison mais en liberté fait a moin du bien », murmure Paul. Après la messe, direction la boutique, les jeunes se retrouvent autour d'une bière. « Ma pa bu d'alcool depuis onze mois, sa rend a moin soul », apprécie Paul.

La nuit tombée, les « anciens » d'Auteuil préparent le repas. Au menu, rougail saucisse, le plat favori de Paul. Le ventre plein et des courbatures aux jambes, les jeunes se couchent vers vingt-heures trente.

Réveil matinal saisissant : d’une part, le piton des Orangers, qui se situe juste un peu plus haut que l'Ilet, est en feu ; d’autre part, un coup de fil leur apprend la mort d'un « ancien ». Le jeune s'est fait poursuivre au Barachois et s'est noyé dans la mer en essayant de fuir son agresseur. Le séjour est écourté. Le retour est moins festif, Paul sait qu'il ne lui reste que quelques heures de liberté : « Le retour l'est plus difficile mentalement ».

Midi, de retour à la prison de Domenjod, un dernier au revoir à son éducateur, Paul lui confie : « Reste à mointrois3 mois après mi na beaucoup projet, ma envi en sorte a moin ».

 

Julien ANDY

 

* prénom d'emprunt.  

 

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